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Grégoire Rousseau / Domaine Coquelicot / Bergerac

L’estomac crie famine et le vin chauffe !
- Juin 2017 -

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Arrivés du mauvais côté, nous cherchons un peu la maison dans un paysage magnifique de vignes fleuries et verdoyantes. Nous trouvons finalement Grégoire Rousseau devant sa maison. La table est déjà dressée à l’ombre du marronnier, on ne va pas tarder à y faire honneur, après être allé simplement jeter un œil au nouveau chai à barrique, tout juste restauré, et qui « devrait être fini d’ici l’anniversaire des 10 ans à la fin du mois ». A table, point de Coquelicot. « Tout le millésime 2015 est vendu, on peut goûter à la cuve si vous voulez, mais après manger». Autour d’un morceau de paté et de radis noirs, on boira une belle quille de Pure M du Jonc Blanc que nous avait offert Franck Pascal.

« Il y a une belle harmonie
entre les vignerons du coin
en ce moment. Franck, qui est
un peu notre parrain, nous prête des outils et sert de hotline sur
la biodynamie. En ce moment
il travaille avec Maud et Sylvain, des amis qui viennent d’acheter des vignes tout à côté, il les aide à s’installer. On s’entraide beaucoup. Mathias du château Lestignac est aussi très présent».

D’un vigneron à l’autre nous entendons souvent les mêmes noms, on sent une véritable communauté générationnelle, entre, par exemple, Fabien Jouves à Cahors, Mathias et Grégoire en bergeracois, Olivier Techer à Pomerol, Valérie Godelu à Bourg/Gironde, née d’une amitié de circonstances dans les formations ou les dégustations, et mûrie dans un vrai réseau de solidarité technique et philosophique. Et cela rend les vins meilleurs. C’est magique.

Cette année la maturité était belle. Les 2016 du domaine de Coquelicot sont encore loin de la bouteille pour la plupart. Nous dégustons en premier, sorti à la pipette d’un fût bien bigarré le futur Fusain, un bébé joufflu et rigolard qu’on babysitterait avec plaisir. On peut en dire autant des vins tirés de la cuve, qui sont encore un peu sucrés.

« Cette année la maturité était belle, on a des levures un peu lentes à réagir, mais ça va aller au bout ».

Greg claque une quille de son « Pet’Nat qui pétille pas vraiment » et finit, parce qu’il nous a à la bonne, par son Jau-sé, rosé de merlot vieilli des années en fût non ouillé, mi vin jaune, mi-vin rosé. «Le nom est en hommage au vigneron qui m’a précédé sur ces terres, presque personne n’a goûté ça encore ! ». Encore une histoire d’humains, décidément !

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Il est presque l’heure de partir quand Greg nous emmène dans les vignes, en traversant un verger où ...

« il y a plusieurs cerisiers de différentes variétés alignés. J’ai des cerises pendant un mois et demi. A croire que les anciens savaient ce qu’ils faisaient».

Les vignes sont vieilles et irrégulières «mais grâce au succès des 2015, j’ai les moyens de remplacer les manquants. J’ai mille pieds prêt à planter ». Les vignes sont enherbées mais pas d’engrais vert, ici le terrain est argileux et bien drainé.

Plus loin, nous découvrons une parcelle bien bizarre : « c’est une toute nouvelle plantation, il faut bien regarder et écarter les herbes pour trouver les pieds ». Elles devaient produire dans trois ans mais ce sera finalement quatre:

« j’ai fait une connerie. J’ai appelé Franck, il m’a engueulé. Je n’avais pas nourri les jeunes vignes. Alors j’ai ajouté très récemment de la fumure animale sous forme de bâtonnets compressés, mais c’est trop tard, j’ai sûrement perdu un an ».

Nous continuons vers les parcelles de Merlot plus récemment acquises, de l’autre côté de la route, côté maison.
Le paysage est superbe et la vigne en progrès. Entre la première parcelle déjà certifiée AB, et la seconde en deuxième année de conversion, la différence est visible sur l’herbe.

« Vous voyez, le sol est encore marqué par le Glyphosate ».

Greg a les yeux qui pétillent plus que son Pet’nat quand ils regardent les nouvelles parcelles du domaine. Comme un vieux mur qu’on retape ou un animal qu’on a bien soigné, les vignes remercient le vigneron à hauteur des efforts fournis pour écarter la chimie et réveiller le vivant. Au domaine de Coquelicot chaque millésime est meilleur que le précédent. La fantastique Fusain 2015, première cuvée parcellaire tentée par Greg, montre une incroyable minéralité qui devrait, dans un avenir assez proche, s’étendre à tous ses vins, en même temps que les racines s’enfoncent dans ce superbe terroir. Pari gagné. « C’est cool ».

Rafaël Bord
Photos : Catie Perherin

Pujol Antoine