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Isabelle et Franck Pascal / Domaine Le Jonc Blanc / Bergerac

Comme un  10 Avril 2017

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Nous savions que la journée serait longue, chaude malgré cette date précoce, un 10 Avril qui juilletisait. Catie, Antoine, Rafaêl et l'ami Mederic sommes donc partis à la fraîche, rendez-vous étant pris avec Franck Pascal pour 10h. Les vignes nous accueillent pile à l'heure, mais désertes. Nous voilà libres de commencer le safari photo, au milieu des vignes magnifiquement enherbées, fleuries, très en contraste avec les bandes rousses de Round Up que nous avions vu sans discontinuer de Libourne à Montravel. Finalement nous trouvons Franck de l'autre côté de la maison, « dans les Cabernets ». Effectivement, ici la vigne débourre à peine : nous avons fait 100m et reculons de 10 jours dans le cycle végétatif. Franck n'aura de cesse, pendant les 3 heures que nous passons avec lui dans les vignes, de nous pointer ces différences de terroir et de végétation, d'une parcelle à l'autre, pourtant parfois contiguës et très rapprochées. Là, le retard s'explique simplement par les propriétés des Cabernets qui débourrent après le Merlot. Franck et Yannick s'emploient ce matin à curer les ceps malades de l'Escat.

« Comme une dent qui a une carie, nous faisons exactement le même travail ».

Avec une tronçonneuse à la place de la roulette. Quand le champignon, reconnaissable à la partie blanche sans vie qu'il laisse dans le bois, attaque le pied trop bas, il faut scier en dessous du greffon, dans le porte greffe : « on va descendre dans l'américain et regreffer» nous explique Franck le vampire, ses greffons dans la bouche. Il les a depuis qu'on est arrivé, nous avons même pensé qu'il s'agissait d'une coutume locale. Franck nous parle beaucoup de la taille, et des soins apportés aux plantes.

La différence entre son travail en biodynamie et la viticulture conventionnelle sera un leitmotiv de toute la matinée:

« Nous travaillons sur le vivant, et les travaux d'hiver et printemps sont très importants. Plus personne ne sait tailler, ce savoir-faire a été oublié, je dois parler avec des papis, mais des très vieux papis, et m'entourer d'un personnel formé tout spécialement pour retrouver des pratiques qui consistent juste à soigner la plante, à l'accompagner dans son développement. »

Nous faisons le tour des parcelles de rouge avec lui. Ici il est flagrant que les divergences de comportement de l'engrais vert trahissent des sols aux propriétés très différentes, bien qu'en apparence, nous sommes sur un plateau uniforme, et pas très grand. D'un côté le colza forme une belle bande jaune, avec toute une herbe haute et dense. Quelques rangs plus loin, ce ne sont que quelques tiges grises d'une fleur déjà fanée qui émergent d'un tapis végétal irrégulier.

« Et pourtant, le mélange de graines est exactement le même, semé le même jour ».

C'est là qu'on découvre que ce plateau calcaire qui donne son nom au Jonc Blanc, est en fait bien plus complexe qu'il n'y paraît. Le calcaire est tantôt jaune, tantôt argileux, et comme par hasard cela découpe les parcelles presque exactement selon l'encépagement. Un monticule de quelques dizaines d'ares se détache du plateau avec des vignes un peu bizarre dont les bois n'ont pas encore été tirés.

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« Ce sont les Malbec, taillés en éventail».

Chaque cep exhibe cinq branches qui le font ressembler à une main toute maigre. Sur cette parcelle de vieilles vignes qui a l'air d'être un peu la favorite du vigneron.

« Je vais chercher l'homogénéité des maturités, avec cette taille particulière»

S'ensuit une explication sur les tailles simples qui, en cas d'instabilité des températures avant la floraison, donne vraiment des différences importantes de maturité entre les grappes en fonction de leur position sur l'aste.

« Bien sûr, c'est risqué, car on met tous ses œufs dans le même panier, mais cette parcelle donne le Pure M sur lequel je suis très exigeant »

Un mois après, de manière tristement ironique, ce sera la seule parcelle du Jonc Blanc à ne pas subir le gel, de par sa position un peu plus élevée.

On prend la voiture tout terrain d'Antoine dans les chemins herbeux pour aller voir la vieille dame, la pièce de très vieilles vignes de sauvignon à quelques kilomètres. « Achetée directement bio. Il était impossible de distinguer des pieds, il a fallu débroussailler pendant des semaines pour pouvoir simplement compter les pieds. Il s'agissait probablement d'une parcelle non-exploitée et pourtant déclarée, pour faire baisser le rendement théorique du reste d'une propriété et rentrer dans les clous de l'AOC. ». Si l'on en juge simplement au jardin de l'ancien propriétaire, où même les poteaux électriques ont droit à leur rayon de 1m de Round up, les préoccupations ont dû changer à la passation de pouvoir. De l'autre côté d'une haie, les Manseng.

« C'est moi qui ai planté cette parcelle avec mon cépage préféré. En dehors du riesling. Je déteste le sauvignon gris qui fait des sucres affreux, et suis bien obligé de faire du vin avec tout mon sauvignon blanc. Mais... ».

On se bouche les oreilles. On ne veut pas entendre de la part même de son créateur une seule critique du Sens du Fruit Blanc qui, n'en déplaise à Franck, est l'un des meilleurs blancs que nous donne cette région. De retour à la maison, nous passerons très brièvement par le chai et ces foudres anciens magnifiques.

Franck touche très peu le raisin après la vendange. Nous imaginons que la vinification et l'oenologie le passionnent mais il doit considérer qu'il n'y a rien de remarquable à nous dire, ou bien que vraiment il fait faim.

Il est déjà 13h et Greg Rousseau nous attend au domaine de Coquelicot pour manger... Franck passe bien quelques coups de fil pour se libérer et venir profiter chez Greg du beau temps et de la belle ambiance, mais non, ce n'est pas raisonnable.

« Tenez, prenez cette mallette, c'est du matériel que je dois lui prêter, et puis prenez cette bouteille de Pure M et buvez-la avec lui, comme ça je serai quand même un peu avec vous ».

Rafaël Bord
Photos : Catie Perherin